Affichage des articles dont le libellé est anthropologie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est anthropologie. Afficher tous les articles

vendredi 28 novembre 2014

Un avis sur "Jeanne et les posthumains"



Dès le mercredi 26 novembre pour la première de la dernière pièce de Hadjadj, spectacle patronné par la fondation Lejeune, j’étais présent chez les maristes à Lyon (au théâtre de la Solitude).
Je suis membre du « fan-club » de Fabrice Hadjadj, même si les rencontres furtives que j’ai eues avec lui (à la suite de deux autres de ses pièces) ne lui auront pas laissé un souvenir inoubliable…

Voici la présentation officielle :
La Compagnie De Bas en Haut présente Jeanne et les Post-Humains ou le sexe de l'ange, une pièce de Fabrice Hadjadj, mise en scène de Véronique Ebel avec Luca Boschetti, Véronique Ebel et Siffreine Michel.
L’an 87 de la Démocratie Mondiale. Les démo-citoyens se sentent enfin parvenus à la société la meilleure (en tout cas la moins pire) grâce à la Playbox IV, au Compost Universel et au Laveur de Mémoire Bêta+... Partout l’on chante la « Dignité et la Liberté de la Personne », et c’est pourquoi les enfants ne sont plus générés selon l’obscur truchement des sexes ni élevés au sein d’étroites familles incompétentes, mais conçus sans défaut, dans des utérus artificiels, avec la collaboration de firmes qui leur assurent libéralement des études et une situation.
Cette « Grande Paix », cependant – qui aurait pu le prévoir ? – est soudain troublée par une jeune fille : Joan 304, caissière chez Ark-Market. Un ange lui parle, la guide en une étrange mission. Il lui demande de se préserver de la contraception universelle puis de coucher – sans réticence – avec Valentin 608, garçon qui travaille avec elle à l’hypermarché. Et la voici enceinte. Enceinte de manière sauvage, incontrôlée, déformante, comme on ne l’est plus depuis près d’un siècle.
Cette pièce est l’histoire de son procès... Bienvenue au paradis des post-humains

Cette pièce, comme l’avoue l’auteur (dans la préface du texte) s’inscrit finalement dans un cycle (finalement, car ce n’était pas forcément son intention originale), une trilogie dont les autres opus sont le massacre des Innocents, et Pasiphaé… Ce cycle pose la question du mystère de la maternité. Le cadre est bien différent des opus précédents : biblique dans le premier cas, mythologique dans le deuxième, futuriste dans ce cas. Je dis futuriste, car comme le constate Hadjadj (toujours dans sa préface), la science présentée n’est presque pas fictionnelle. Dans tous les cas, c’est bien notre présent qui est interrogé.

Et la pièce alors…

C’est bien du Hadjadj, qui cherche à nous déranger, qui cherche à nous provoquer, qui cherche à nous gêner… Les rires qui ont émaillé le spectacle témoignaient bien souvent de la gêne éprouvée par le spectateur.
On pourrait parfois se demander, si (comme je l’avais déjà ressenti dans Pasiphaé) il n’y a pas un peu de complaisance de sa part à employer du vocabulaire cru, voire vulgaire : Cela peut déranger. Mais je pense qu’il use de ce truc en réaction à une culture contemporaine qui n’appelle jamais un chat un chat, et qui grâce à cela fait passer le pire (que pensez-vous de la « sédation profonde » quand elle cherche non pas le soulagement de la souffrance, mais le terme de la vie…). Évidemment, cela choque.

L’auteur présente un monde futuriste, proche du meilleur des mondes qui semblera complètement impossible à beaucoup. Et pourtant… si ce que nous présente Hadjadj à travers sa lucarne n’est effectivement pas très attirante, d’autres auteurs ont déjà écrit des œuvres valorisant ces types de civilisations… [je vous propose de lire Vendredi de R. A. Heinlein – étant bien entendu que ce livre ne dit pas tout de la pensée d’Heinlein... j'aime beaucoup Heinlein].  

L’idée de faire un parallèle avec le procès de Jeanne d’Arc (il y a des moments on se croirait dans Jeanne et les juges de Thierry Maulnier) est extrêmement intéressante. Ce n’est pas un décalque de "l'épopée de Jeanne d’Arc", mais bien plus un éloge de la faiblesse, de la Jeanne du procès, abandonnée par ses voix... et l'ange la quitta.

Enfin, la mise en scène de Véronique Ebel est minimaliste, à l’image de ce qu’elle avait fait pour Pasiphaé, ou qu’Hadjadj avait fait pour le massacre. Cette mise en scène servie par d’excellents acteurs (que l'on commence à connaitre : Véronique Ebel et Siffreine Michel ont joué dans les pièces précédentes) est très efficace… 
Il n’y a dans toute la pièce qu’un seul contact physique entre les personnages : le monde de la Démocratie Mondiale va-t-il exploser suite à cela ?

En conclusion, si à mon avis, ce n’est pas la meilleur pièce du théâtre d’Hadjadj, j’ai apprécié le spectacle et l’objectif visé est atteint en ce qui me concerne : cela donne à penser. Toutefois, un bémol : je n'ai pas compris le sous-titre (ou le sexe de l'ange) : quelqu'un peut-il m'aider ?

pour commander sa place.
 https://www.weezevent.com/jeanne-et-les-post-humains

samedi 8 mars 2014

Julie Gayet, mariage, anti-christianisme ?

Ce mot vient à la suite de commentaires que j'ai eu l'occasion de faire sur FB et sur le SB.
(le titre a pour seul but de faire monter le rank Google)
Le sujet qui fâche était ce film... 


je vous laisse le regarder. Il ne dure que 4 mn et il est techniquement très bien fait.





Pour un bon nombre d'intervenants que j'apprécie par ailleurs, ce film a été vu comme une agression : en effet, ce sont nos codes, et en particuliers les codes chrétiens, et même catholiques (!) qui ont été ici tourné en ridicule : n'est-ce pas une nouvelle façon de critiquer les cathos, de faire croire au monde entier (c'est sous-titré en anglais !) que chez les cathos on pratique le mariage forcé ! Et en plus c'est Julie Gayet qui joue dedans, c'est dire !

La question est : Est-ce une œuvre - encore une fois - anti-catho ?

Il est vrai que le contexte actuel,  du point de vue du mariage, mais aussi de l'anthropologie (=conception de l'homme) est un tantinet défavorable aux cathos. Il est vrai que "la journée de la femme" est bien souvent l'occasion de taper sur nos valeurs, mais...

Pour revenir à ce film, la technique scénaristique est semblable à celle de ce  film, (que je vous laisse regarder). 


C'est extrêmement efficace n'est-ce pas ? C'est qu'il place dans un contexte impossible (le nôtre) une histoire malheureusement fréquente.
Pour notre film de la campagne "14 millions de cris", c'est pareil, le contexte est impossible (bourgeoisie-blanche-catho-française) mais l'histoire est malheureusement bien trop fréquente. 

Pour revenir à "l'anticatholicisme" du film de Lisa Azuelos... d'aucuns pourrait parler de lutte des classes, contre la bourgeoisie parisienne, ou d'anti-républicanisme primaire : le 'mariage' se passe sous les auspices de Marianne, dans une salle des mariages un peu classe (avec rosace, mais ce n'est pas l'apanage des églises : cette salle est celle de la mairie du 1er arrondissement de Paris [1]), par un madame le maire avec écharpe tricolore...

La question que je n'aborde pas ici, c'est celle de savoir si ce film atteint son objectif... et là, je suis plutôt d'accord avec l'avis de Patrice de Plunkett : on le trouvera ici.
Image extraite du film "14 millions de cris"
 




jeudi 11 avril 2013

Sexualité et Mariage (II)

« Il dit à la femme : “Je ferai qu'enceinte, tu sois dans de grandes souffrances ; c'est péniblement que tu enfanteras des fils. Ton désir te poussera vers ton homme et lui te dominera” » Gn 3, 16 ;

S’il est bien dans le dessein originel de Dieu que l’homme et la femme soit mutuellement attirée, par une saine attirance, le péché originel a entrainé un désordre dans la création, désordre qui a des conséquences malheureuses dans la sexualité humaine[1]
Face aux manichéens (pour qui tout mariage est mauvais) Augustin insiste sur la distinction de deux « concupiscences » (ou attirances), l’une qui entraine au péché car désordonnée, et l’autre bonne, puisque favorisant l'ordre voulu par Dieu. C’est ce qu’exprime aussi Jean Chrysostome : « ce n’est pas le mariage qui est une mauvaise chose, c’est l’adultère, c’est la fornication. Or le mariage est un remède contre la fornication »[2].
Une certaine lecture d’Augustin peut laisser à penser que le mariage n’est remède que par une spiritualisation de l’union de l’homme et de la femme : le mariage idéal serait alors le mariage vécue dans une continence parfaite[3]. Mais Augustin reconnait que la procréation est un bien voulu explicitement par Dieu, et il montre que cette procréation n’est absolument pas une fin en soi : la procréation par l’adultère ou la fornication ne peut en aucun cas être considérée comme un bien. Il pose que dans le mariage « plus vaut la sainteté du sacrement que la fécondité du sein »[4], ce que Jean Chrysostome exprime aussi en montrant que pour que le mariage atteigne pleinement son but – qui n’est donc pas premièrement la procréation – il faut que « à l’exemple des mariés de Cana en Galilée, ceux qui s’épousent aient entre eux Jésus-Christ »[5].

« Il adviendra en ce jour-là – oracle de Yahvé – que tu m'appelleras “Mon mari”, et tu ne m'appelleras plus “Mon Baal” » Os 2, 18 ;

Les prophètes, pour parler de l’alliance entre Dieu et son peuple, usent de la figure du mariage. Cette figure permet à la fois de souligner la force de l’union entre Dieu et son peuple, celui-ci étant élevé par Dieu à un rang de partenaire, d’égal. Et, à l’inverse, cet usage souligne la dignité du mariage : puisque Dieu a daigné comparer son alliance avec l’homme a un mariage, le mariage est donc un bien réel.
L’étude en miroir de ces textes montre que les difficultés rencontrées dans le mariage ne mettent jamais fin à l’alliance conclue entre les partenaires, de même que Dieu ne se lasse jamais de l’infidélité de son peuple. En élevant son peuple à la dignité d’épouse, apte à s’adresser à Dieu comme à un mari plutôt que comme à un maitre, Yhwh préfigure le Christ qui s’adressant à ses disciples : « je ne vous appelle plus serviteurs (…) mais amis (…) », leur fait don d’une forme d’égalité avec Lui.



[1] Augustin d’Hippone, Lettre 6*, in Œuvres de Saint Augustin 46B, Études Augustiniennes, Paris, 1987, p. 131.

[2] Jean Chrysostome, Homélie I sur le mariage, in Œuvres complètes, TIV, Guérin et Cie éditeur, Bar-le-Duc, 1864, p. 181.

[3] Augustin d’Hippone, de Bono conjugali, in Œuvres de Saint Augustin II, Bibliothèque Augustinienne, DDB, Paris, 1948, p. 59.

[4] Idem, p. 73.


[5] Ibidem.

mercredi 10 avril 2013

Sexualité et mariage (I)

« Dieu créa l’homme à son image, mâle et femelle il les créa » Gn 1, 27 ;

La Bible, Ancien comme Nouveau Testament, considère que la sexualité est essentielle à l’être humain, qu’elle est même part de sa qualité d’image de Dieu. À ce titre, la Révélation prend position quant à la manière de mettre en œuvre la différence sexuelle et la sexualité.
C’est ainsi que dès Gn 2, 18-25[1], la Parole révélée insiste sur la complémentarité de l’homme et de la femme. L’amour entre homme et femme est premier dans ce récit qui ne fait d’ailleurs pas référence à la fécondité. « Une seule chair » fait d’abord référence à l’union sexuelle, mais plus profondément à l’union des personnes, selon le procédé littéraire de la synecdoque. 
Saint Jean Chrysostome voit dans l’union des corps l’actuation de l’image divine : « Quand les époux s’approchent l’un de l’autre, ils représentent l’image même de Dieu »[2]. La première finalité de l’union de l’homme et de la femme est alors de rendre présent Dieu même, par le don réciproque : « C’est un mystère de charité qui commence »[3].  
 

« soyez féconds, et multipliez-vous, remplissez la terre » Gn 1, 28 ;

La Parole divine donne à l’homme une mission procréatrice : Dans l’acte créateur même Dieu choisit de passer par l’homme et sa liberté pour mener à bien son dessein. Il est du devoir de l’homme d’œuvrer à cette fin. Jean Chrysostome montre que cette procréation, mission confiée par Dieu, est fruit de l’union des corps, qui est acte sacré en raison du « une seule chair ». Toutefois, la valeur du « une seule chair », liée à la génération de l’enfant, n’est pas tributaire de ce fruit : « c’est la cohabitation qui confond ces deux individualités en une seule »[4].
Une compréhension étriquée du donné révélé et des Pères de l’Église a pu placer la génération comme la fin ultime du mariage. Mais en reprenant Augustin, on voit qu’il la considère comme la fin naturelle du mariage, ce qui n’effleure même pas le mystère de grâce qui y réside. Balthasar[5] montre nettement que réduire la fin du mariage à la procréation fait perdre la dimension de don gratuit qu’est l’enfant : le troisième terme du mariage, qui compte comme premiers termes l’homme et la femme, n’est pas d’abord l’enfant mais « the meeting of their two freedoms ». Et cet objectif transcende les deux premiers termes, laisse la place à l’Esprit Saint, et c’est alors que peut s’ensuivre ce don qu’est l’enfant.      



[1] 18 Yahvé Dieu dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie ». 19 Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et il les amena à l'homme pour voir comment celui-ci les appellerait: chacun devait porter le nom que l'homme lui aurait donné. 20 L'homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages, mais, pour un homme, il ne trouva pas l'aide qui lui fût assortie. 21 Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. 22 Puis, de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme.
23 Alors celui-ci s'écria :
  « Pour le coup, c'est l'os de mes os
  et la chair de ma chair !
  Celle-ci sera appelée “femme”,
  car elle fut tirée de l'homme, celle-ci ! »
24 C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.
25 Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre.
[2] Jean Chrysostome, Homélie XII du commentaire sur l’épitre aux Colossiens, in Œuvres complètes, TXI, Guérin et Cie éditeur, Bar-le-Duc, 1867, p. 174.
[3] Ibidem.

[4] Idem, p. 175.

[5] H.U. von Balthasar, Spirit and institution, in Exploration in Theology IV, Ignatius Press, San Francisco, 1995 (1974), p. 218.