mercredi 26 octobre 2011

Contexte historique de la constitution Lumen Gentium


  1. La situation théologique
        Lorsque le concile Vatican I est suspendu par le pape Pie IX, seule une toute petite partie du chantier prévu est accomplie. Alors que le concile avait le projet de réaliser un ensemble de texte portant sur l’ensemble de l’Église, seul la primauté et le magistère pontifical ont été développés.
        Une circulaire de Bismarck sur les conséquences du Concile évalue que « après le concile Vatican I les évêques n’ont plus d’importance, n’étant que de simples représentants locaux du pape »[1]. Toutefois, les évêques allemands, soutenus explicitement par le pape, s’opposent à cette interprétation, et rappelle la doctrine catholique : la papauté comme l'épiscopat sont d’institution divine et ont donc une autorité propre.
        Dans l’univers catholique, certains ont pu croire que l’ensemble de la question de l’autorité dans l’Église avait été traité. Ainsi, la doctrine qui se répand dans l’Église est comme déséquilibrée : l’essentiel de l’ecclésiologie se résume à la doctrine de la primauté pontificale.
Pour beaucoup, la perception de l’Église se résume alors à une pyramide : toute autorité vient de Dieu, elle est en plénitude dans le pape, les évêques participent à cette autorité pontificale.
        Toutefois, la première moitié du XXe siècle voit se rouvrir un certain nombre de questions : « le renouveau liturgique dès 1909, le mouvement œcuménique dès 1925, la redécouverte de la Bible comme fondement de la théologie de l’Église, la remise à jour de la mission qu’est l’Église en vertu de son apostolicité, dans un monde à la fois plus diversifié et plus en quête d’unité : tout cela allait confluer à Vatican II »[2]. En effet, ces questions ouvertes forçaient à se poser des questions sur la nature même de l’Église.
        Le pape Jean XXIII, après les velléités de Pie XI en 1925 et de Pie XII en 1948, annonce le 25 janvier 1959, clôture de la semaine pour l’unité des chrétiens, la tenue d’un concile œcuménique, à des fins d’aggiornamento.

      2. Le déroulement du Concile
    • La phase anté-préparatoire (17 mai 1959 – 30 mai 1960)
       C’est une phase de prise de conseil, sous la houlette du cardinal-secrétaire d’état Tardini, auprès des évêques, des chefs de dicastères et des théologiens des universités romaines. Les documents sont réunis en quinze volumes et ont une ligne de force : il faut compléter le concile inachevé du Vatican, en prenant compte des développements récents de l’ecclésiologie.
       À ce titre, il faudra aborder les sujets « de la nature et la constitution de l’Église, son ministère et son magistère, ses rapports avec la société civiles et avec les communautés chrétiennes non catholiques, sans oublier les incidences de la doctrine mariologique sur la doctrine ecclésiologique et vice versa »[3].
    • La phase préparatoire (5 juin 1960 – 10 octobre 1962)
        Onze commissions préparatoires et trois secrétariats sont constitués. Chacune est présidée par un cardinal qui est le préfet du dicastère correspondant aux matières abordées. L’ensemble est coiffé par une commission centrale présidée par le pape. Chaque commission élabore des textes qui sont soumis à la commission centrale, puis au pape, puis adressés aux futurs Pères conciliaires. 
Le concile est ouvert solennellement le 11 octobre.
Le texte « sur l’Église » est distribué aux Pères tardivement, le 23 novembre 1962, alors que la 1ère session est près de sa fin.
    • 11 octobre - 8 décembre 1962 : Première session
        La majorité des Pères conciliaires estime que ce schéma sur l’Église doit être refondu ;
Ce schéma déçoit largement les Pères ; en effet, si le fond est considérée comme globalement valide, l'esprit et la formulation sont par trop académiques. Le cardinal Suenens intervient auprès du pape pour suggérer une vraie programmation pour la deuxième session : centrer le concile sur l’ecclésiologie, avec une double dimension ad intra et ad extra.
        Le 5 décembre, le cardinal Montini, le futur Paul VI, « demande qu’avant tout, par ce texte sur l’Église, soit glorifié Jésus-Christ : car aussi bien dans son ministère que dans sa vie mystique, l’Église du Christ doit manifester la pensée du Christ et reproduire son image, comme dans un miroir »[4].
    •  1962-1963 : Première intersession
       Une commission est créée, et pendant l’intersession, elle établit, à partir de la substance du premier schéma, un nouveau schéma[5], qui prend un plan en 4 parties totalement nouveau[6] : I - le mystère de l’Église ; II - la constitution hiérarchique et l’épiscopat ; III - le Peuple de Dieu et les laïcs ; IV - la vocation à la sainteté dans l’Église.
    • 29 septembre - 4 décembre 1963 : Deuxième session
        Les débats sont menés par quatre modérateurs, les cardinaux Agagianian, Dopfner, Lercaro et Suenens. Ce schéma nouveau est alors étudié par les Pères et il est largement critiqué[7]; Entre le 30 septembre et le 31 octobre, les Pères examinent le schéma sur l’Église, un vote indicatif sur la collégialité épiscopale est réalisé à l’initiative des modérateurs. À une faible majorité, l’assemblée décide d’insérer le texte relatif à la Vierge Marie au sein de la constitution sur l’Église.
Du 5 au 15 novembre, on examine le schéma sur la charge pastorale des évêques (Christus Dominus). La minorité conteste la validité du vote sur la collégialité.
    • 1963-1964 : Deuxième intersession
        Le 6 août 1963, le pape Paul VI publie sa première encyclique, Ecclesiam suam, sur l’Église. Un mois avant la troisième session conciliaire, Paul VI publie l'encyclique pour présenter les voies par lesquelles l'Église doit aujourd'hui accomplir sa mission. Cette encyclique engage l'Église sur la voie du dialogue : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l'Église se fait message ; l'Église se fait conversation ».
    • 14 septembre - 21 novembre 1964 : Troisième session
        Du 15 au 18 septembre, les Pères examinent la version définitive du schéma sur l’Église, les six premiers chapitres sont approuvés. Le 19 novembre, on procède au vote solennel de la Constitution sur l’Église (Lumen Gentium). (2134 voix contre 10).

      3. Promulgation
        
Le 21 novembre le texte est promulgué officiellement par le Pape Paul VI comme constitution dogmatique[8].  Elle compte alors 8 parties :
I - Le mystère de l’Église
II - Le Peuple de Dieu         
III - La constitution hiérarchique de l’Église et spécialement l’épiscopat
IV - Des laïcs
V - La vocation universelle à la sainteté dans l’Église
VI - Les religieux
VII - Le caractère eschatologique de l’Église pérégrinante et son union avec l’Église des cieux
VIII - La bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église.




[1] G. Alberigo « le Concile Vatican I », p. 356, in les conciles œcuménique, 1. L’histoire, 1994, Cerf, 430p.
[2] Ch.  Moeller « Le ferment des idées dans l’élaboration de la constitution », p. 85 in l’Église de Vatican II, Unam Sanctam 51b, 1966, 702p.
[3] U. Betti, « histoire chronologique de la constitution », p. 58 in l’Église de Vatican II, Unam Sanctam 51b, 1966, 702p.
[4] H. de Lubac, « Liminaire », p.28, in l’Église de Vatican II, Unam Sanctam 51b, 1966, 702p.
[5] U. Betti, « histoire chronologique de la constitution », p. 65 in l’Église de Vatican II, Unam Sanctam 51b, 1966, 702p.
[6] Le « projet belge », rédigé par Philips, sert de plan de base.
[7] Ch.  Moeller « Le ferment des idées dans l’élaboration de la constitution », p. in l’Église de Vatican II, Unam Sanctam 51b, 1966, 702p.
[8] Le terme « Constitution » désigne un acte solennel du magistère. L’adjectif « dogmatique » indique que son objet est les vérités de la foi (définition trouvée ici)

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