samedi 17 novembre 2012

Une réponse à monsieur le député (II)


J'ai écrit ce courrier au député, répondant point par point à ses arguments. Mais je ne suis pas sûr que cela soit vraiment utile : en effet, comment discuter  réellement  quand il n'y a pas d'accord sur le fondement même de ce qui fait l'homme ?
autrement dit : 
Soit je considère que le sexe est une caractéristique que l'homme reçoit comme un don, et que le chemin du bonheur passe par le déploiement de cette dimension, dans la sexualité, mais aussi dans la conjugalité et dans la fécondité. 
Soit je pense que le sexe est une prison, dont il faut que je sorte, par tous les moyens possibles

Et les deux positions sont inconciliables. 


Monsieur,

Je vous remercie de votre réponse personnalisée et de votre attention.
J’essaie de prolonger notre réflexion dans l’ordre que vous me proposez

De la définition  du mariage


Vos motivations sont fondées sur d’excellents sentiments : le souci de l’égalité. Toutefois, apparait
déjà ici une erreur de fond : « Le mariage civil, dont nous ne modifions en rien la substance… »

Selon le dictionnaire Larousse, « le mariage est un acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par les dispositions juridiques en vigueur dans leur pays (en France, par le Code civil), par les lois religieuses ou par la coutume »[1].
Ou bien
Au plan du droit civil, « le mariage est l'institution par laquelle un homme et une femme s'unissent pour vivre en commun et fonder une famille »[2]

Il apparait donc bien que la substance du mariage va être changée, puisque la définition classique du mariage implique l’union d’un homme et d’une femme. En tous les cas, votre projet implique que la réalité « mariage » en 2014 ne sera pas la même que la réalité « mariage » en 2012.

De la protection des enfants


Je me réjouis de votre déclaration de principe indiquant votre engagement en faveur de l’intérêt de l’enfant. Toutefois l’argument « il y a déjà plein de cas » ne me semble pas suffisant ; ce serait la porte ouverte à toutes les propositions surprenantes[3].
Je pose aussi la question « de qui sont-ils enfants ? » : de ceux, de même sexe, avec qui ils vivent, ou d’un père et d’une mère réelle ? évidemment la question est rhétorique car cela ne fait pas de doute ; d’autant plus que dans la majorité des cas, le père ou la mère naturelle n’ont pas renoncé à leur charge parentale. La Convention Internationale des droits de l’enfant de 1989 affirme d’ailleurs : « l’enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux » (art. 7).
Votre affirmation « Tout montre que ces enfants ne développent ni plus ni moins… » est en fait une pétition de principes, et il me semble (car je n’ai pas les moyens intellectuels ou scientifiques de vous démontrer le contraire) que le débat autour de cet argument mériterait la mise en œuvre du « principe de précaution ».  
Cet argument « De plus, ces enfants évoluent dans une précarité juridique lourde de menaces, notamment en cas d’accident de la vie ou de séparation » peut faire croire qu’il y a plus de menace que dans les cas de concubinage ou de parent isolé. Et pourtant en tous les cas, je pense que vous ne forcerez pas les gens à se marier malgré les risques qu’encourent les enfants…
« Reconnaitre leur famille, aujourd’hui, c’est aussi protéger ces enfants », mais alors que vous changez la substance du mariage, il semble que la « protection de l’enfant » soit en réalité un alibi non-fondé, car nos enfants français ne sont généralement pas en manque de protection : 60% d’entre eux naissent « hors-mariage », et ces enfants sont bien protégés, non ? Sinon, il faut vite rendre le mariage obligatoire.
En réalité, les enfants français qui ont besoin de protection ne sont pas ceux du quartier du marais, mais plutôt ceux de Saint-Denis en France, et là-bas, quand des couples se marient, ils ne demande pas le mariage civil et certainement pas d’union homosexuelle.

Du droit à l’enfant et du bien commun


« Que les couples homosexuels qui le désirent puissent aussi avoir des enfants » : Effectivement, c’est là qu’est le point, c’est là qu’est le premier objectif du projet de loi : nous parlons bien du « droit à l’enfant ». Puisque une voiture et un animal de compagnie ne me suffisent pas, laissez-moi avoir (comme une propriété ?) un enfant. En réalité, être parent n’est pas à être considéré comme un droit, mais plutôt comme un service. À ce titre, il n’y a pas de droit à être parent. C’est d’abord et avant tout une charge, qui effectivement me situe dans la société. Mais la pression d’une minorité en manque de reconnaissance à cause d’un mode de vie spécifique  ne semble pas être un argument suffisant pour changer les fondements de cette société.

La réalité sociale première de notre pays, c’est une grande faiblesse démographique et un faible taux de croissance économique. Fragiliser la seule institution qui favorise la fécondité semble étonnant. En fait, le législateur doit se poser la question du bien et du mal, autrement dit, se poser les questions éthiques : qu’est-ce qui est bon pour le bien commun ? on a su le faire pour fermer les centres pénitentiaire comme Cayenne, on a su le faire pour supprimer la peine de mort. Pourquoi refuse-t-on de se poser sérieusement la question en ce qui concerne la famille ? le principe est-il d’abord la rupture d’avec ce qui se faisait avant ?

De la reconnaissance de l’amour par la société


Je ne nie aucunement « la réalité du lien qui unit un couple homosexuel », mais est-il vraiment judicieux de reconnaitre ce lien par un acte solennel de la société : car cette union n’apporte rien de concret à celle-ci. D’autant qu’il semble que depuis que le sujet est un peu plus en débat, cette « évolution voulue par une grande majorité de nos compatriotes » fait moins l’unanimité… peut-être faut-il continuer à réfléchir, et la démocratie ne s’en portera que mieux.   

Vous savez bien que les propositions de CUC étaient à l’origine un sous-mariage, dont la “substance” a changé grâce à la concertation qui l’a fait devenir PACS, puisqu’il n’est pas un acte solennel. Pour autant, en constatant que les personnes homosexuelles ne se pacsent pas (96% des PACS sont conclus par des couples mixtes), on peut douter du fait qu’ils se marient. On aura seulement réussi à vider le mariage de sa “substance”.

De la discrimination et des engagements de campagnes


Enfin, quand à la discrimination des homosexuels, la définition du mariage classique ne repose pas sur le mode de vie sexuelle, mais sur le sexe. À ce titre tout homme et toute femme, quelques soient leurs habitudes sexuelles, ont toujours pu se marier. Y-a-t-il vraiment une discrimination ?

L’argument de l’engagement de campagne n’est pas suffisant, surtout quand notre système politique invite non à voter pour un programme, mais contre un candidat. Si on refuse un candidat en raison de son libéralisme économique, ce n’est pas parce que on veut le libéralisme moral. On constatera d’ailleurs que la proposition 31 du programme du candidat socialiste n’a pas fait l’objet de débat pendant la campagne. On peut aussi constater le manque d’enthousiasme d’un certain nombre de membres de votre parti, qui ne sont pourtant pas suspect d’homophobie, comme le maire de Lyon par exemple.

Conclusion


En espérant non pas apporter une réponse définitive, mais quelques éléments de réflexions qui permettront de choisir en conscience et ainsi éviter de poser un acte idéologique pré-rationnel, en insistant à nouveau pour qu’une véritable concertation ait lieu,

je vous prie de recevoir, monsieur, mes salutations les meilleures.



[1] Le Petit Larousse illustré, Larousse, 2011.
[2] Dictionnaire du droit privé, Serge Braudo, 2012
[3] Pourquoi ne pas légaliser le vol ? il y a un nombre très important de gens qui en vivent…

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