J'ai écrit ce courrier au député, répondant point par point à ses arguments. Mais je ne suis pas sûr que cela soit vraiment utile : en effet, comment discuter réellement quand il n'y a pas d'accord sur le fondement même de ce qui fait l'homme ?
autrement dit :
Soit je considère que le sexe est une caractéristique que l'homme reçoit comme un don, et que le chemin du bonheur passe par le déploiement de cette dimension, dans la sexualité, mais aussi dans la conjugalité et dans la fécondité.
Soit je pense que le sexe est une prison, dont il faut que je sorte, par tous les moyens possibles
Et les deux positions sont inconciliables.
Monsieur,
Je vous remercie de votre réponse personnalisée et de
votre attention.
J’essaie de prolonger notre réflexion dans l’ordre que
vous me proposez
De la définition du mariage
Vos motivations sont fondées sur d’excellents
sentiments : le souci de l’égalité. Toutefois, apparait
déjà ici une erreur de fond : « Le mariage civil, dont nous ne modifions en rien la substance… »
déjà ici une erreur de fond : « Le mariage civil, dont nous ne modifions en rien la substance… »
Selon le dictionnaire Larousse, « le mariage
est un acte solennel par lequel
un homme et une femme établissent entre eux une union dont les
conditions, les effets et la dissolution sont régis par les dispositions
juridiques en vigueur dans leur pays (en France, par le Code civil), par les
lois religieuses ou par la coutume »[1].
Ou bien
Au plan du droit civil, « le mariage
est l'institution par laquelle un homme et une femme s'unissent pour
vivre en commun et fonder une famille »[2]
Il apparait donc bien que la substance du
mariage va être changée, puisque la définition classique du mariage implique l’union
d’un homme et d’une femme. En tous les cas, votre projet implique que la
réalité « mariage » en 2014 ne sera pas la même que la réalité
« mariage » en 2012.
De la protection des enfants
Je me réjouis de votre déclaration de principe
indiquant votre engagement en faveur de l’intérêt de l’enfant. Toutefois
l’argument « il y a déjà plein de cas » ne me semble pas
suffisant ; ce serait la porte ouverte à toutes les propositions
surprenantes[3].
Je pose aussi la question « de qui sont-ils
enfants ? » : de ceux, de même sexe, avec qui ils vivent, ou
d’un père et d’une mère réelle ? évidemment la question est rhétorique car
cela ne fait pas de doute ; d’autant plus que dans la majorité des cas, le
père ou la mère naturelle n’ont pas renoncé à leur charge parentale. La
Convention Internationale des droits de l’enfant de 1989 affirme
d’ailleurs : « l’enfant a le droit de connaître ses parents et d'être
élevé par eux » (art. 7).
Votre affirmation « Tout
montre que ces enfants ne développent ni plus ni moins… » est en fait une pétition de principes, et il
me semble (car je n’ai pas les moyens intellectuels ou scientifiques de vous
démontrer le contraire) que le débat autour de cet argument mériterait la mise
en œuvre du « principe de précaution ».
Cet argument « De
plus, ces enfants évoluent dans une précarité juridique lourde de menaces,
notamment en cas d’accident de la vie ou de séparation » peut faire
croire qu’il y a plus de menace que dans les cas de concubinage ou de parent
isolé. Et pourtant en tous les cas, je pense que vous ne forcerez pas les gens
à se marier malgré les risques qu’encourent les enfants…
« Reconnaitre leur famille, aujourd’hui, c’est
aussi protéger ces enfants », mais alors
que vous changez la substance du mariage, il semble que la « protection de
l’enfant » soit en réalité un alibi non-fondé, car nos enfants français ne
sont généralement pas en manque de protection : 60% d’entre eux naissent
« hors-mariage », et ces enfants sont bien protégés, non ?
Sinon, il faut vite rendre le mariage obligatoire.
En réalité, les enfants français qui ont besoin de
protection ne sont pas ceux du quartier du marais, mais plutôt ceux de
Saint-Denis en France, et là-bas, quand des couples se marient, ils ne demande
pas le mariage civil et certainement pas d’union homosexuelle.
Du droit à l’enfant et du bien commun
« Que les couples homosexuels qui le
désirent puissent aussi avoir des enfants » : Effectivement, c’est là
qu’est le point, c’est là qu’est le premier objectif du projet de loi :
nous parlons bien du « droit à l’enfant ». Puisque une voiture
et un animal de compagnie ne me suffisent pas, laissez-moi avoir (comme une
propriété ?) un enfant. En réalité, être parent n’est pas à être considéré
comme un droit, mais plutôt comme un service. À ce titre, il n’y a pas de droit
à être parent. C’est d’abord et avant tout une charge, qui effectivement me
situe dans la société. Mais la pression d’une minorité en manque de
reconnaissance à cause d’un mode de vie spécifique ne semble pas être un argument suffisant pour
changer les fondements de cette société.
La réalité sociale première de notre pays, c’est une grande
faiblesse démographique et un faible taux de croissance économique. Fragiliser
la seule institution qui favorise la fécondité semble étonnant. En fait, le
législateur doit se poser la question du bien et du mal, autrement dit, se
poser les questions éthiques : qu’est-ce qui est bon pour le bien
commun ? on a su le faire pour fermer les centres pénitentiaire comme
Cayenne, on a su le faire pour supprimer la peine de mort. Pourquoi refuse-t-on
de se poser sérieusement la question en ce qui concerne la famille ? le
principe est-il d’abord la rupture d’avec ce qui se faisait avant ?
De la reconnaissance de l’amour par la société
Je ne nie aucunement « la réalité du lien qui
unit un couple homosexuel », mais
est-il vraiment judicieux de reconnaitre ce lien par un acte solennel de la
société : car cette union n’apporte rien de concret à celle-ci. D’autant
qu’il semble que depuis que le sujet est un peu plus en débat, cette « évolution
voulue par une grande majorité de nos compatriotes » fait moins
l’unanimité… peut-être faut-il continuer à réfléchir, et la démocratie ne s’en
portera que mieux.
Vous savez bien que les propositions de CUC étaient à
l’origine un sous-mariage, dont la “substance” a changé grâce à la concertation
qui l’a fait devenir PACS, puisqu’il n’est pas un acte
solennel. Pour autant, en constatant que les personnes homosexuelles
ne se pacsent pas (96% des PACS sont conclus par des couples mixtes), on peut
douter du fait qu’ils se marient. On aura seulement réussi à vider le mariage
de sa “substance”.
De la discrimination et des engagements de campagnes
Enfin, quand à la discrimination des
homosexuels, la définition du mariage classique ne repose pas sur le mode de
vie sexuelle, mais sur le sexe. À ce titre tout homme et toute femme, quelques
soient leurs habitudes sexuelles, ont toujours pu se marier. Y-a-t-il vraiment
une discrimination ?
L’argument de l’engagement de campagne n’est
pas suffisant, surtout quand notre système politique invite non à voter pour un
programme, mais contre un candidat. Si on refuse un candidat en raison de son
libéralisme économique, ce n’est pas parce que on veut le libéralisme moral. On
constatera d’ailleurs que la proposition 31 du programme du candidat socialiste
n’a pas fait l’objet de débat pendant la campagne. On peut aussi constater le
manque d’enthousiasme d’un certain nombre de membres de votre parti, qui ne
sont pourtant pas suspect d’homophobie, comme le maire de Lyon par exemple.
Conclusion
En espérant non pas apporter une réponse définitive,
mais quelques éléments de réflexions qui permettront de choisir en conscience
et ainsi éviter de poser un acte idéologique pré-rationnel, en insistant à
nouveau pour qu’une véritable concertation ait lieu,
je vous prie de recevoir, monsieur, mes salutations
les meilleures.
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